(Quand le racketage organisé met en mal la notion de l'intégration des peuples)
On nous parle depuis des décennies d’intégration régionale. De CEDEAO. De libre circulation des personnes et des biens. D’un espace communautaire solidaire. Sur le papier, c’est beau. En pratique, c’est une mascarade.
Traverser les frontières en Afrique de l’Ouest aujourd’hui, c’est s’exposer à un parcours du combattant. De Cotonou à Lomé, de Parakou à Accra, de Ouagadougou à Lagos, les voyageurs ne circulent pas : ils subissent. Arrêts intempestifs, intimidations, fouilles abusives, extorsions déguisées en frais « administratifs ». Et cela sous le regard complice ou résigné des États.
Que vaut une communauté économique où chaque poste frontalier est un guichet de racket ? Où un simple transporteur de marchandises est considéré comme un suspect, un commerçant comme une proie ? Comment parler de fraternité régionale quand le citoyen lambda est traité comme un intrus, un mendiant, un intrépide qui dérange ?
Le cas de certaines frontières, notamment celles du Ghana, du Togo ou du Nigéria, est particulièrement alarmant. Là où il devrait y avoir facilitation, on observe systématiquement obstruction. Là où il devrait y avoir coopération, on rencontre humiliation. Des barrières sont dressées, non pour assurer la sécurité, mais pour remplir les poches de quelques agents zélés, bien trop souvent au-dessus de toute sanction.
Et que dire des fermetures arbitraires ? À certaines frontières, dès 20 heures, plus rien ne passe. Voyageurs contraints de dormir dehors, dans leurs véhicules, au mépris de leur sécurité et de leur dignité. À l’heure où l’on parle de ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine), ce genre de pratiques frise l’absurde.
Il faut avoir le courage de dire les choses : l’intégration africaine est aujourd’hui piétinée par ceux-là mêmes qui devraient la faire avancer. Tant que les frontières seront des lieux de prédation plutôt que des points de passage, tant que la corruption et l’impunité régneront aux postes de contrôle, il ne peut y avoir d’union véritable entre nos peuples.
Ce ne sont pas les beaux discours qui changeront les choses, mais des actes concrets. Des réformes profondes. Une harmonisation stricte des procédures douanières. Et surtout, une volonté politique réelle de casser les réseaux de corruption qui gangrènent nos corridors.
L’Afrique de l’Ouest n’a pas besoin de slogans. Elle a besoin de volonté, de courage, et de respect pour ses citoyens. Il est temps d’abattre les murs invisibles qui divisent nos peuples. Et de construire enfin l’intégration, non pas sur du papier, mais sur le bitume des routes que nous partageons.